Le Japon en chemin vers la reprise
L’économie japonaise montre enfin des signes de reprise. Le directeur général de TMF Group Japon examine les obstacles que le Japon doit encore surmonter pour retrouver le chemin de la croissance.
Le Japon a enregistré une impressionnante croissance du PIB réel de 1 % au premier trimestre. Ce taux a non seulement dépassé les prévisions du marché, (0,6 %), mais il représente le taux de croissance le plus élevé depuis deux ans. Deux trimestres de croissance consécutifs ont aidé le pays à atteindre un taux de croissance annualisé de 3,9 %, ce qui dépasse également les 2,7 % prévus par les analystes. Parallèlement, le PIB nominal du Japon a connu une croissance à un taux annualisé de 9,4 % au cours de la même période. Il s’agit du rythme de croissance le plus rapide depuis 1994, année à partir de laquelle des données comparables ont été rendues disponibles.
Il semble que la troisième puissance économique du monde entame enfin le redressement tant attendu après avoir été plombée par la hausse de la taxe intérieure de consommation en Avril dernier. Le marché boursier a réagi positivement aux données sur le PIB, puisque l’indice de référence, le Nikkei 225, a atteint un niveau inégalé depuis huit ans et que l’indice Nikkei a clôturé à son niveau le plus élevé depuis avril 2000.
Une analyse plus profonde des chiffres montre que la croissance a été essentiellement dictée par la hausse des stocks et des dépenses en capital. L’accumulation des stocks (qui représente 2,2 % du taux de croissance annualisé de 3,9 % du Japon) a été provoquée par un ralentissement de la demande des consommateurs. Certes, la consommation intérieure du pays (qui représente jusqu’à 60 % de l’économie) connaît une reprise, mais elle reste faible. Au cours du premier trimestre, les dépenses de ménages ont connu une croissance stable de 0,4 %.
La faible croissance de la consommation intérieure indique que les consommateurs continuent de maintenir une attitude économe et sont réticents à faire des dépenses. C’est la conséquence directe de la hausse de la taxe à la consommation survenue l’année dernière, qui a mis un frein aux dépenses de consommation. Par conséquent, les consommateurs ont des doutes quant à une autre hausse imminente prévue pour avril 2017. De ce fait, l’économie du Japon devrait connaître une croissance à un taux moins élevé au cours des prochains trimestres, car la production annuelle connaît un ralentissement progressif pour rattraper la faiblesse de la demande de consommation.
Si les dépenses des ménages semblent stagner au Japon, les dépenses en capital (qui représentent 1,5 % de la croissance du PIB) ont enregistré une croissance significative avec un taux annualisé de 11 % par rapport à seulement 1,4 % au cours du trimestre précédent. La croissance des investissements des entreprises a été alimentée par la « relocalisation » des multinationales japonaises, car elles réinstallent lentement leurs installations de production au pays en démantelant leurs bases de production à l’étranger, par exemple en Chine.
La dépréciation du yen a rendu les coûts de production au Japon plus accessibles. Une entreprise japonaise comme Canon envisage par exemple d’accroître sa production intérieure en la faisant passer de 40 % actuellement à 60 % dans trois ans. Il est vrai que les coûts de production sont maintenant moins élevés au Japon, mais le recul des effectifs de la main-d’oeuvre au Japon constitue un énorme obstacle à l’augmentation des capacités de production. Par conséquent, énormément d’argent est investi dans les technologies de la robotique et de l’automation pour les installations de production intérieure afin de résoudre le problème posé par le déclin de la main-d’œuvre.
Grâce à la faiblesse de leur monnaie, les entreprises japonaises se sentent plus à l’aise pour investir au pays car leurs bénéfices atteignent des niveaux records. Pour les entreprises dont la production est orientée vers l’exportation, la dépréciation du yen a rendu les prix de leurs produits plus compétitifs sur le marché étranger, ce qui se traduit par une flambée des ventes à l’exportation. En dehors de ces résultats, cette faiblesse du yen a également gonflé de manière significative leurs bénéfices lorsque les revenus réalisés à l’étranger sont rapatriés au Japon. Au premier trimestre, les sociétés publiques japonaises cotées en bourse ont enregistré la deuxième marge bénéficiaire la plus élevée de l’histoire, soit 4,61 %.
Le Premier ministre Shinzo Abe a exhorté les entreprises japonaises à dégager de la valeur de leurs énormes avoirs liquides en augmentant les salaires. Cette invitation est considérée comme la dernière étape dans les efforts du premier ministre pour créer un « cercle économique vertueux ». Si les salaires étaient augmentés, cela permettrait à terme de surpasser l’inflation, de dynamiser la consommation intérieure et de stimuler la croissance économique. Les principales multinationales japonaises ont récemment annoncé la deuxième augmentation annuelle des salaires en réponse à l’appel du gouvernement et à un resserrement du marché de l’emploi. En avril, le taux de chômage a baissé à son niveau le plus bas depuis 18 ans, soit 3,3 %. En outre, le rapport entre le nombre d’emplois et celui des demandeurs a atteint son niveau le plus élevé en 23 ans avec 117 emplois disponibles pour chaque tranche de 100 demandeurs.
Après la session de printemps des négociations salariales, les sociétés Toyota Motor Corporation et Honda Motor Corporation ont annoncé l’augmentation salariale la plus élevée de l’histoire des deux entreprises tandis que Nissan Motor Corporation a proposé l’augmentation la plus sensible parmi ses pairs. Dans le secteur de l’électronique, les principales sociétés comme Hitachi Limited, Mitsubishi Electric Corporation, Panasonic Corporation et Toshiba Corporation ont toutes relevé le taux d’augmentation des salaires à un niveau record.
Il est encore trop tôt pour dire si la plupart des PME (petites et moyennes entreprises) suivront cette tendance à la hausse des salaires ou même si tous les efforts pour augmenter les salaires permettraient effectivement de stimuler les dépenses de consommation. Toutefois, le fait que le salaire de certains travailleurs augmente indique que la politique économique du premier ministre, surnommée « Abenomics », semble porter des fruits. Bien que l’économie japonaise en soit encore au stade initial de sa reprise, elle s’oriente clairement dans la bonne direction.
Le Premier ministre travaille dur depuis deux ans et demi pour faire sortir le Japon de deux décennies de déflation. Afin de terminer son travail, il est maintenant temps de décocher la « troisième flèche », c’est-à-dire la stratégie de croissance à travers une réforme structurelle. Jusqu’ici, nous avons vu le gouvernement Abe faire des efforts pour améliorer la gouvernance des entreprises, accroître la participation des femmes à l’économie et améliorer le climat des affaires pour les entreprises étrangères.
Certaines initiatives de réforme envisagées par le gouvernement portent sur la libéralisation des marchés du travail, la création de zones économiques stratégiques nationales, l’attraction d’investissements directs étrangers et la déréglementation des secteurs du jeu, de l’énergie, de l’agriculture et de la santé. En définitive, il y a encore beaucoup à faire pour concrétiser une reprise réelle et durable.
Commentaires
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.