Rijasolo, photographe des contrastes
En braquant son objectif sur Madagascar, Rijasolo s’est fait une réputation locale de photojournaliste. Au-delà du reportage, ses photographies montrent l’Île sous un nouveau jour et lui confèrent une dimension quasi hallucinatoire.
La nuit en noir et blanc
Éclairée par le phare d’une voiture, la silhouette d’une jeune femme se détache dans l’obscurité. La pleine lune laisse apercevoir un homme qui porte un pied de canne à sucre dans un champ. La flamme d’un fumigène révèle celui qui le projette…
Rijasolo est un photographe des contrastes, du noir et blanc, de la nuit. Son terrain de prédilection : Madagascar, pays de son enfance. « Madagascar est certainement l’un des endroits sur Terre les moins bien éclairés la nuit. Même en plein centre-ville d'Antananarivo, la capitale. L'impression que cela donne est que tout peut arriver : les embrouilles ou les belles rencontres. »
En 2013, Rijasolo publie son premier recueil de photos, un livre intitulé Madagascar, nocturnes. Sans fards et sans flash, il tire profit de la lumière naturelle pour éclairer des scènes du quotidien ou prendre des instantanés des bas quartiers d’Antananarivo, à la population interlope. L’effet est saisissant : la vitesse lente du Leica de Rijasolo produit des images que l’on qualifierait d’impressionnistes. La vie nocturne de la capitale malgache y ressemble à une série d’hallucinations, de fantasmagories.
Les travailleurs rentrent d’un pas pressé, les corps se frottent sur les pistes de danse, des visages survoltés se détachent dans la foule, les cadavres de bière reposent aux côtés des corps défaits par l’alcool. L’humain est au cœur de cet univers étourdissant sur lequel Rijasolo pose un regard de spectateur lucide. « Je ne fais pas de mise en scène, pas de montage. Mes outils sont le contraste, le grain de l'image, le flou… Au final c’est mon imaginaire qui transparaît, une réflexion intime sur "mes" nuits malgaches. »
Entre photo-journalisme et photo d’art
Rien ne prédestinait cet autodidacte à une carrière de photographe. Fonctionnaire dans la marine nationale à Brest, il a d’abord pratiqué la photographie en amateur : « J’ai toujours été intéressé par l’image et je me suis formé seul à la photographie. Je travaillais exclusivement en argentique noir et blanc et développais mes films dans un laboratoire improvisé dans ma cuisine. C'était la belle époque, ces nuits blanches passées dans la chambre noire ! »
En 2005, les photos de Rijasolo sont remarquées et sélectionnées pour la biennale de la photographie africaine de Bamako. C’est le déclic : il décide de prendre un virage professionnel et entame, à 35 ans, une formation en photo-journalisme dans une école parisienne. Il enchaîne avec la création du collectif Riva Press, qui se fait rapidement un nom dans l’univers du reportage documentaire. La presse nationale ouvre ses portes à Rijasolo : les clichés de l’autodidacte s’affichent désormais dans les pages de « Libération », du « Monde », de « Jeune Afrique » ou de « La Croix ».
Un photographe humaniste
Qu’elles soient d’art ou documentaires, les œuvres de Rijasolo témoignent d’un penchant indéniable pour le réalisme poétique. Pas étonnant que le photographe cite des noms comme Pierrot Men et Sebastião Salgado lorsqu’on l’interroge sur ses références. Celui qui est aujourd’hui présenté comme le spécialiste du photojournalisme sur l’Île rouge a attendu 20 ans avant de remettre les pieds dans ce pays. Installé à Antananarivo, il rattrape le temps perdu en immortalisant ses habitants. Après Madagascar, nocturnes, Rijasolo prépare un nouveau livre sur la population locale et continue à nous envoyer des instantanés malgaches à travers la presse quotidienne française.