Lorsque je suis arrivé en France, en février 1990, j’ai passé quelques épreuves pour avoir l’équivalence de mes études en Roumanie et passer en classe de première. Pour ma dissertation de français le commentaire du correcteur fut lapidaire : “Excellentes idées, culture remarquable, manque total de méthode”. Si j’ai donc quelque méthode à ce jour, c’est sans doute grâce à mon passage par le système français. À vrai dire, je ne suis jamais parvenu à rentrer complètement dans le moule. Une preuve en est que je ne suis point un normalien supérieur, mais bien un normalien inférieur, qui n’a intégré qu’en bicat en étant également candidat libre et qui confondait allègrement métonymies et synecdoques…
Il n’empêche que je suis un produit de l’éducation française et que je suis extrêmement reconnaissant envers mes maîtres français, à commencer par certains professeurs du Collège Stanislas et des classes préparatoires d’Henri IV. J’ai surtout été heureux à Stan, où malgré la discipline je me suis senti très libre. Au cours de mes études universitaires j’ai bénéficié de la compréhension sage et empathique de mon caïman de l’ENS, Jean-François Courtine, grand spécialiste de l’idéalisme allemand, et de la grande rigueur, doublée d’une égale générosité, des deux professeurs qui ont dirigé mon DEA et ma thèse de doctorat : Françoise Bonardel à Paris I et Pierre Manent à l’EHESS. Ce qui m’a surtout étonné chez eux, c’est une grande capacité de lecture, qualité au fond très rare. Il s’agit d’une lecture active, qui implique l’entrée dans la pensée de celui dont on dirige les travaux. Or, cette capacité-là est formée dans la rigueur intellectuelle propre à l’enseignement supérieur français dans ce qu’il a de meilleur…