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Culture

Le Franco-Syrien du futur

 

Le dessinateur franco-syrien Riad Sattouf a de quoi être un homme heureux. Son dernier ouvrage cartonne en librairie. Son œuvre lui vaut récompenses artistiques et reconnaissance officielle : le voilà désormais Chevalier des Arts et des Lettres.

 

« L’Arabe du futur » : une enfance au Moyen-Orient

« Je m’appelle Riad. En 1980, j’avais 2 ans et j’étais un homme parfait. » Sous ce cartouche, le dessin d’un mignon petit garçon qu’une série d’indications fléchées achèvent de définir : « Yeux profonds et bouleversants », « Bouche de téteur », « Tout frais pondu »…

La première case de « L’Arabe du futur » est un condensé de la touche Sattouf. Loin de tout réalisme, le dessin est limpide, articulé à plusieurs niveaux de texte – dialogues, indications fléchées, voix du narrateur. L’ironie met à distance les codes de la virilité autant que le narcissisme propre à toute autobiographie. Car c’est bien son histoire que raconte Riad Sattouf. Elle a pour cadre le Moyen-Orient des années 1980, où le père de Riad, originaire de Syrie, est revenu s’installer après des études en France.

Le public a réservé un accueil triomphal aux tomes I et II de « L’Arabe du futur », sortis au printemps 2014 et 2015. Un succès qui tient sans doute à l’humour doux amer de l’œuvre : la naïveté de l’enfance ne rend que plus manifeste l’absurdité et la violence du monde des adultes. Issu d’un milieu pauvre, soucieux de réussite sociale, le père incarne toutes les illusions du panarabisme : il reste aveugle aux échecs et à l’arbitraire des régimes de Kadhafi et des Assad, tout comme il préfère fermer les yeux sur le délitement de la cellule familiale. Car pour Riad, le futur ne s’écrira finalement pas en arabe : en 1990, âgé de 12 ans, il rentre en France avec ses parents, qui finiront par divorcer.

 

Riad Sattouf : talent, gloire et prolixité

Est-ce le récit de ce retour qui clôturera la série ? Riad Sattouf ne s’est pas exprimé sur la question. Mais il n’a de toute façon jamais manqué de souffle : à 38 ans, il est l’auteur de vingt-cinq albums, de deux films, ainsi que de réalisations pour la télévision.

Ce qu’il crée lui vaut régulièrement et l’or et les lauriers : sa première œuvre cinématographique, « Les Beaux Gosses », a séduit 900 000 spectateurs français, une immense partie de la critique, et le monde du 7e art, qui lui a décerné en 2010 le César 2010 meilleur premier film. « L’Arabe du futur I » s’est quant à lui vendu à 200 000 exemplaires – chiffre considérable pour un roman graphique – et a reçu le Fauve d’or au Festival d’Angoulême 2015.

 

 

 

 

 

Encore et toujours l’homme parfait

À cette liste déjà impressionnante il pourra désormais ajouter une autre distinction, officielle celle-là : celle de Chevalier des Arts et des Lettres. Accordée par le ministère de la Culture, la décoration consacre les personnalités du monde culturel qui participent au rayonnement de la France. Début février, Riad Sattouf l’a acceptée avec enthousiasme, en expliquant sa motivation : « D'origine franco-syrienne, et venant d'un milieu modeste, j'ai grandi en étant aidé par l'État républicain […] En cette période où [cet État] est attaqué et fragilisé de toutes parts, moi, j'ai plutôt envie de lui dire merci : j'ai mon sens de la reconnaissance. » Décidément, à 38 ans et malgré quelques boucles en moins, Riad Sattouf tient encore à incarner l’homme parfait.