Lauréate Bourse de mobilité post-doctorale Dr Irine Sakhelashvili
La chercheuse Irine Sakhelashvili est l’une des lauréates 2021 du programme de mobilité post-doctorale co-financé par l’Institut français de Géorgie (IFG) et la Fondation pour la science Shota Rustaveli.
INTERVIEW
La chercheuse Irine Sakhelashvili est l’une des lauréates 2021 du programme de mobilité post-doctorale co-financé par l’Institut français de Géorgie (IFG) et la Fondation pour la science Shota Rustaveli.
Projet : Interaction entre le stress et les troubles du sommeil chez les étudiants internationaux en médecine, INSERM Lyon
- Pourriez-vous nous présenter brièvement votre spécialisation et votre projet de recherche pour cette mobilité ?
J’ai été neurologue praticienne pendant plus de 15 ans, puis je me suis dirigée vers la recherche. Depuis 9 ans, je travaille dans le domaine des neurosciences, en particulier en médecine du sommeil.
Grâce à cette mobilité, je vais étudier le lien entre le stress et les troubles du sommeil chez les jeunes, aux côtés de collègues français expérimentés. J’ai déjà conduit une étude pilote en Géorgie sur ce sujet et durant ma mobilité en France, je mènerai une analyse plus approfondie des données de la deuxième étape de ce projet de recherche.
Il est également prévu que je prenne part aux recherches actuellement menées par mon professeur d’accueil, Dr Karen Spruyt.
- Quelles étaient vos motivations pour vous porter candidate à la bourse de mobilité post-doctorale financée par l’IFG et la Fondation Rustaveli ?
Bien sûr, être lauréate d’une bourse internationale est très prestigieux et c’est un grand honneur. De manière évidente, toute bourse, qu’elle soit locale ou internationale, comporte également un intérêt financier. Ce n’est un secret pour personne que, même si la science coûte très cher, elle est très mal financée et à cet égard, la Géorgie ne fait pas exception.
Sans soutien financier, il me serait très difficile de mener à mes frais un travail similaire en France. Les bourses offrent la possibilité de mener des projets scientifiques dont la mise en œuvre représente un coût important. Dans mon cas, au-delà de l’aspect financier, ma principale motivation était de travailler en France avec des scientifiques expérimentés. Je compte y acquérir une expérience professionnelle et personnelle importante, et je rentrerai en Géorgie avec de nouveaux contacts et de nouvelles perspectives de collaboration.
- Pour quelles raisons avez-vous fait le choix de la France ? Et plus précisément de l’Inserm à Lyon ?
Le choix de la France était conditionné par le programme, qui comme vous le savez, nécessite de réaliser un stage dans un institut de recherche français uniquement.
J'entretenais déjà une relation avec l’Inserm depuis plusieurs années, notamment avec le Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL), et le Laboratoire d'études du sommeil et de l'éveil du Dr Tengiz Oniani de l’université d'État d'Ilia également. En effet, Michel Jouvet (éminent chercheur dans le domaine du sommeil et de l’éveil, ayant donné son nom au Neurocampus de l’Inserm à Lyon) était un grand ami de notre laboratoire de recherche et, bien sûr, un ami du Dr Tengiz Oniani, fondateur du Tengiz Oniani Laboratory of Sleep-Wakefulness Study.
Michel Jouvet a visité notre laboratoire à l’occasion d’une visite scientifique et nous a également accueilli à Lyon. Malheureusement, je ne faisais à ce moment-là, pas encore partie de l’équipe.
Malgré tout, j’ai eu le privilège de rencontrer et d’établir une relation avec Dr Karen Spruyt. Nous avions préparé un projet de recherche commun pour un répondre à un appel à candidatures lancé par l’Union européenne, près de deux ans avant cet appel franco-géorgien. Notre projet n’avait pas été retenu et nous attendions qu’une nouvelle chance de financement se présente. Je tiens d’ailleurs à souligner que cette mobilité est le point de départ de projets franco-géorgiens ambitieux.
Je suis très honorée de réaliser ce stage au sein de cet institut de recherche qui occupe le premier rang du classement mondial SCImago 2020 des institutions de santé.
- Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette mobilité à plus ou moins long terme ?
Comme je l’ai déjà dit, je pense qu’une bourse internationale est une excellente occasion d’acquérir différentes compétences : durant mon stage, je vais recourir à de nouvelles approches et technologies.
Comme objectif à court terme, nous prévoyons de présenter nos résultats lors d’une conférence et de publier un article dans des revues scientifiques à fort impact. A moyen et long terme, le fait de travailler avec des scientifiques remarquables et de collaborer avec des chercheurs prolifiques renforcera sans aucun doute mes compétences professionnelles. Je partagerai mon expérience avec mes collègues et, bien sûr, avec mes étudiants. En outre, cette bourse, comme précédemment dit, est le point de départ de futures collaborations scientifiques et projets communs.
Finalement, je profiterai de la beauté de l’art et de la culture française car cela fait, après tout, partie intégrante de toute mobilité internationale.
- Selon vous, en quoi les échanges et les mobilités de recherche sont-ils bénéfiques pour les chercheurs et pour la recherche en Géorgie ?
Sciences et savoir ne peuvent connaître de limites : les avancées scientifiques et le savoir doivent être disséminés et utilisés pour le bien commun et le progrès de la société. Conférences, ateliers de travail et séminaires sont les seuls moyens de faire cela et la mobilité internationale est de loin le meilleur moyen d’apprendre et de partager. On ne sort pas grandi d’un échange international seulement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan personnel. Un échange permet également d’établir de nouveaux contacts, ce qui est fondamental pour mener de futurs projets conjoints.
Je dois mentionner le rôle important des relations multiculturelles dans les programmes d’échanges internationaux. De telles relations permettent de créer des ponts entre les pays et les nations. La bourse internationale multidisciplinaire est un outil parfait pour la construction d’alliances et l’établissement de liens durables entre deux pays.
- Quels conseils donneriez-vous à des étudiants ou des chercheurs qui souhaiteraient étudier en France et/ou se porter candidat à cette bourse de mobilité ?
Préparer une candidature pour une bourse est un processus très long, chronophage et lourd, mais les résultats en valent la peine. Réaliser un stage au sein d’une institution française de pointe vaut largement les heures, jours et semaines passés à travailler sur le projet.
Ne soyez pas effrayé par les échecs : comme l’a noté à plusieurs reprises une de mes collègues françaises de l’Inserm, près de 10% seulement des projets soumis par cet institut sont financés. Ce résultat peut sembler faible mais ne l’empêche pas d’être à la première place dans le classement des instituts de recherche dans le secteur de la santé.
Avant de se porter candidat pour une bourse, il est important de bien avoir en tête deux choses : ce sur quoi vous voulez travailler, le sujet de votre projet, vos objectifs et qui sera votre superviseur/collaborateur. Répondre à ces deux questions est l’étape la plus importante. Le reste dépend de la motivation, de la volonté et du travail du candidat (étudiant ou chercheur). Un dernier mot : N’ABANDONNEZ JAMAIS !
- Le fait d’être une femme a-t-il impacté vos études et votre carrière ? Vous êtes-vous parfois sentie freinée ou limitée dans vos ambitions en raison de votre genre ? Que conseilleriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent mener une carrière scientifique ?
Il faut noter que l'attitude patriarcale en Géorgie est encore forte, malgré beaucoup d’avancées comme l’adoption de la Loi de la Géorgie sur l’Egalité des Genres en 2010.
Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai commencé ma carrière scientifique en 2012. Avant, j’ai travaillé en tant que praticienne de santé, mais j'ai également occupé différents postes, notamment dans le secteur public. Je peux dire avec assurance que sans mon fort caractère, il m’aurait été difficile d’atteindre nombre de mes objectifs, et ce juste parce que je suis une femme.
Evidemment et heureusement, nous sommes entourés de beaucoup de femmes intelligentes, éduquées et ayant réussi leur vie professionnelle. Néanmoins, elles s’accordent toutes à dire qu’il est difficile de s’imposer dans un univers masculin – comme James Brown le chantait : “This is a man’s world” [C’est un monde d’hommes].
Cependant, de nombreuses femmes scientifiques de renommée internationale ont réussi et la grande majorité de notre laboratoire (et pas seulement) est composée de femmes scientifiques qui ont déjà fait des déclarations très fortes sur la scène internationale et qui feront encore progresser la science.
Je dirais aux femmes scientifiques la même chose qu’aux autres étudiants et collègues : le principal est d’avoir un but, que vous atteindrez forcément si vous n’abandonnez jamais.
- Vous avez débuté votre stage et vous êtes actuellement à Lyon, quelles sont vos premières impressions et comment avez-vous été accueillie au sein de l’Inserm ?
Mon expérience à Lyon dépasse mes attentes. Les premiers jours au Neurocampus Michel Jouvet se sont révélés à la fois très précieux et très émouvants. Marcher dans les pas du plus important représentant de la science du sommeil est très exaltant.
Je dois mentionner que je savais que la professeur Karen Spruit était une scientifique de premier plan dans ce domaine, mais elle s'est également révélée être une extraordinaire hôtesse et amie. En plus de notre collaboration quotidienne intense et approfondie, elle trouve toujours le temps, entre les statistiques et la recherche, de me faire connaître la culture et la vie lyonnaises.
Notre relation scientifique, commencée virtuellement, a été renforcée par ce stage et je crois fermement qu'un certain nombre de projets communs intéressants nous attendent à l'avenir. C'est pourquoi, une fois de plus, je souhaite exprimer ma profonde gratitude envers l'Institut français de Géorgie et la Fondation Shota Rustaveli pour cette merveilleuse opportunité.
Inauguré en 2021, le programme de bourse de mobilité post-doctorale de l’IFG et de la Fondation Shota Rustaveli permet chaque année de financer un séjour de recherche d’un mois en France à deux chercheurs ou chercheuses de nationalité géorgienne.
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