Mooc : au cœur de la machine FUN
Avec 3,4 millions d'inscrits et 330 Mooc hébergés, FUN (France université numérique) s'est fait une place dans le paysage des plates-formes francophones de formation en ligne. À l'occasion de ses quatre ans, reportage au sein de la structure publique qui accompagne au quotidien les établissements dans leur transformation numérique.
Ils sont une vingtaine à faire tourner la "boutique". Dans des locaux feutrés du 14e arrondissement parisien qui ont accueilli pendant plusieurs années le siège de ParisTech, FUN (France université numérique) a installé son centre névralgique. Lancée en grande pompe à l'automne 2013 par Geneviève Fioraso, alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, la plate-forme publique d'hébergement de Mooc a connu en quatre ans une forte croissance. Au lancement, 10 établissements proposaient 25 cours en ligne. En 2017, ils sont 104 à avoir conçu plus de 340 capsules de formation.
UN RÔLE D'AIDE ET D'ACCOMPAGNEMENTPour accompagner ce changement d'échelle, FUN a dû étoffer son équipe. Et pousser les murs. Hormis les cinq développeurs qui œuvrent à l'amélioration technique de la plate-forme construite sur la technologie Open edX, le plus gros des troupes travaille au sein du D2RP (département relations réseau et projet). Chaque jour, huit "conseillers" échangent en direct avec les établissements producteurs de Mooc. Leur mission ? Accompagner la communauté FUN dans la création des cours. "La plate-forme joue un rôle de facilitateur et d'animateur de communauté, souligne Céline Lecoq qui, à la tête du D2RP, a vu en trois ans son service passer de deux à huit personnes. Nous sommes présents à toutes les étapes cruciales de la diffusion d'un Mooc, mais nous proposons aussi des formations et générons de la documentation pour prendre en main l'outil."
Lorsqu'un établissement d'enseignement supérieur souhaite publier son cours sur FUN, un conseiller dédié l'accompagne de l'intégration du cours dans le CMS (système de gestion de contenu) à la génération des attestations finales, en passant par l'ouverture des inscriptions en ligne et la fermeture du cours. Il répond à toutes les questions techniques. Mais pas seulement. "Certains interlocuteurs peuvent avoir des interrogations sur le séquençage même de leur cours, sur la cohérence de leur déroulé, détaille Cédric Bassette, l'un des conseillers de l'équipe. Nous pouvons les orienter, les aider à adapter au mieux leur plan au format Mooc." Mais en aucun cas l'équipe FUN ne crée elle-même les cours.
Ce qui provoque parfois quelques déconvenues lorsque Céline Lecoq cherche à recruter de nouveaux conseillers. "Beaucoup d'ingénieurs pédagogiques intéressés par FUN se ravisent lorsqu'ils prennent conscience que nous intervenons très peu dans la conception des cours." Au sein du D2RP, les profils sont, de fait, très variés. On trouve aussi bien des documentalistes et des anthropologues de formation que des spécialistes de e-learning ou de psychologie cognitive.
La plate-forme joue un rôle de facilitateur et d'animateur de communauté.
(C. Lecoq)
UN SPOC POUR LES CONCEPTEURS DE MOOC
Pour aider au mieux dans leurs démarches les concepteurs de Mooc, soit 1.200 personnes réparties dans les 340 établissements, FUN expérimente depuis peu un nouvel outil de formation. La structure a délaissé les séances exclusivement en présentiel pour se mettre… au Spoc (version privée du Mooc) ! Tous les membres et partenaires du GIP (groupement d'intérêt public) – seuls, pour l'heure, autorisés à poster sur FUN – peuvent donc se familiariser à l'outil Open edX devant leur ordinateur, avant de disposer, s'ils le souhaitent, d'une courte formation avec les conseillers.
"Nous observions que nos sessions de deux jours comptaient de moins en moins de participants, en dépit du nombre accru d'établissements membres, analyse Benjamin Pena, qui planche sur sa prochaine formation, proposée au personnel d'une même université belge. Nous avons donc décidé de revoir complètement le format. Nous procédons maintenant en classe inversée." Une façon de tester grandeur nature les nouveaux formats pédagogiques.
PLACE AU CAMPUS ET AU CORPORATE
Si le changement d'échelle de la plate-forme a nécessité quelques ajustements, à l'image de cette formation pour concepteurs de Mooc, il a aussi poussé le GIP à revoir son modèle en profondeur et à repositionner son offre. Ou, plus exactement, à l'enrichir. Alors que certains analystes prédisent la mort des Mooc, Catherine Mongenet, directrice du groupement, reste persuadée que ce format pédagogique a encore de beaux jours devant lui. "Le terme 'Mooc' est devenu un mot valise, que chacun utilise comme il l'entend. Mais on ne peut pas nier qu'on assiste à une hybridation des dispositifs pédagogiques, où numérique et présentiel sont en relation étroite. Si on regarde les choses sous cet angle, ce que le Mooc a déclenché comme transformation est appelé à rester."
Pour répondre aux attentes de ses membres, FUN a ainsi lancé il y a quelques mois deux plates-formes cousines de FUN Mooc, appelées FUN Campus et FUN Corporate. La première, destinée aux établissements d'enseignement supérieur, permet de jouer des cours en format privé. L'enseignant qui inscrit ses étudiants peut suivre leur évolution et leur compréhension des concepts. Certains établissements, à l'image du Cnam et de l'Institut Mines-Télécom, ont d'ores et déjà adossé des crédits ECTS à l'obtention de certificats de Mooc.
Imaginez la force de frappe de notre réseau de membres, en matière de formation continue.
(C. Cochard)
FUN Corporate, quant à lui, s'adresse aux entreprises désireuses de former leur personnel. Pour l'instant, l'offre reste timide, avec seulement trois cours. Mais les ambitions de FUN sur le segment de la formation continue sont grandes. "Imaginez la force de frappe de notre réseau de membres, argumente Cécile Cochard, responsable partenariats et formation professionnelle. Une entreprise exprime un besoin de formation, nous lançons un appel interne à projets auprès de nos membres et les lauréats peuvent créer un Spoc pour l'entreprise. C'est un modèle vertueux, garant de sources de revenus pour les établissements." Un modèle qui fait tout de même grincer quelques dents du côté des acteurs privés de la formation continue, qui voient cette concurrence venue du public d'un mauvais oeil. "Aujourd'hui, la volonté politique est très claire : les entreprises sont incitées à faire appel à l'enseignement supérieur sur cette question", se défend Cécile Cochard.
CERTIFICATIONS ET MARQUES BLANCHES
Autre révolution en marche, la certification a fait son apparition sur FUN au printemps 2016. Ce parti pris n'est pas sans rappeler celui du "grand frère" américain edX, qui mise lui aussisur la certification et la formation continue pour financer son développement. Grâce à un partenariat avec Proctor U, société américaine de télésurveillance en ligne, France université numérique permet à ses membres, s'ils le souhaitent, de délivrer une certification à leurs étudiants, avec un coût moyen de 60 euros pour l'apprenant. "Beaucoup de membres se contentent de l'attestation. Il y a, en la matière, une marge de progression", admet Catherine Mongenet. Sur la somme payée par l'apprenant, une partie revient à FUN, pour financer le travail d'accompagnement effectué. De quoi représenter, à terme, une nouvelle source de revenus ?
Le GIP préfère miser sur un autre axe de développement : la marque blanche. Pour le compte d'un acteur économique ou institutionnel, il peut développer une plate-forme de Mooc, sur le modèle de FUN mais sous la marque de l'institution "cliente". L'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a déjà opté pour cette solution. Sur son site baptisé "Mooc bâtiment durable", elle propose une dizaine de formations. Il faut se rendre tout en bas de la page d'accueil pour voir apparaître la mention "Réalisée par FUN avec la technologie Open edX."
Beaucoup de membres se contentent de l'attestation. Il y a, en matière de certification, une marge de progression.
(C. Mongenet)
"Cette solution permet aux clients de bénéficier des services d'une équipe experte sur le sujet, de conseils pédagogiques mais aussi d'un hébergement sécurisé et d'une assistance technique permanente", énumère Nelly Violette, chef de projet marque blanche. La solution a séduit les universités marocaines, qui travaillent avec le GIP à la création d'une plate-forme nationale de Mooc, équivalent local de FUN. "C'est un gros projet", se réjouit Catherine Mongenet. Le gouvernement marocain a lancé un appel à projets pour financer la création de 50 Mooc. Les équipes pédagogiques françaises ont été sollicitées pour former leurs homologues marocaines à la conception de Mooc.
Avec un budget annuel de 2,5 millions d'euros, dont une petite moitié émanant de l'État, FUN cherche sans conteste à diversifier ses sources de financement. Et la marque blanche, vendue au coût complet, en est l'exemple le plus emblématique. Il faut dire que lors de la création de FUN l'État s'était engagé sur une dotation annuelle sur cinq ans.La date anniversaire approche donc à grands pas. Mais l'heure n'est pas à l'inquiétude du côté du GIP. "Les objectifs quantitatifs ont été atteints, tient à rappeler Catherine Mongenet. Et plus on construit de nouvelles recettes, plus on pourra investir dans de nouveaux développements." Rendez-vous l'année prochaine.
Jeudi 19 octobre 2017, la conférence EducPros sera consacrée à la transformation numérique de l'enseignement supérieur. Fablab, Mooc, design thinking, classes inversées… Tour d'horizon des nouvelles pratiques et partage d'expériences seront au programme de cette journée, organisée dans les locaux de l'ICP (Institut catholique de Paris).
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