Le roman d’une Iranienne française de tête et de cœur
Originaire d’Iran, Saïdeh Pakravan est l’auteure d’« Azadi » qu’elle a écrit en anglais puis traduit elle-même en français. Naviguant entre plusieurs cultures, l’écrivaine revient sans cesse à la France. Et à la langue française qui a bercé son enfance.
« Azadi », une ode à la liberté dans l’Iran d’aujourd’hui
Saïdeh Pakravan écrit depuis son plus jeune âge. Aux États-Unis, elle publie régulièrement en langue anglaise sur des blogs et dans des revues. Mais c’est en France que son premier roman « Azadi » a été édité, en 2015.
Lorsque Céline Thoulouze, directrice éditoriale des éditions Belfond, est tombée sur le manuscrit d’« Azadi », elle a eu le coup de foudre. Ce roman haletant marche dans les pas de Raha, Kian et Hossein, trois jeunes Iraniens dont les chemins se croisent lors de la Révolution verte de juin 2009. En persan, « Azadi » signifie « liberté » : c’est le nom de la place où se rassemblent les protestataires. Pour Raha comme pour les manifestants de la place, la quête de liberté prendra un goût amer.
Le français, une histoire de famille
Portrait de l’Iran contemporain, « Azadi » a d’abord été écrit en anglais. Après avoir tenté sans succès de le publier aux États-Unis, l’auteure l’a elle-même traduit pour démarcher des éditeurs en France. Chez Saïdeh Pakravan, les va-et-vient culturels ne relèvent pas de la seule virtuosité : ils appartiennent à son histoire intime.
Le français est la langue de l’enfance. « Ma famille iranienne le parlait depuis des générations. » Lorsque les parents de Saïdeh Pakravan se rencontrent à Téhéran en 1940, ni l’un ni l’autre ne maîtrise le persan. Tous deux sont polyglottes mais le français est la seule langue qui leur soit commune : elle devient celle dans laquelle ils élèvent leurs enfants.
Shakespeare à la Sorbonne, l’Iran à Montpellier
La famille déménage au gré des missions du père diplomate. Dans les établissements que fréquentent les expatriés, Saïdeh Pakravan reçoit une éducation en anglais. Au moment de se lancer dans les études supérieures, la Sorbonne s’impose à la jeune Iranienne : la France fait partie d’elle. Elle en apprécie la littérature depuis son plus jeune âge. Il lui reste à parfaire sa culture anglo-saxonne : elle se lance donc dans une licence d’anglais.
Saïdeh Pakravan réalise ensuite une thèse d’histoire du XIXe siècle à Montpellier. Son sujet de recherches est une interrogation sur ses origines autant qu’une manière de se projeter : elle s’intéresse à sa grand-mère, Emineh Pakravan. Auteure de romans historiques, elle a été récompensée en 1951 par le prix Rivarol couronnant un écrivain étranger de langue française. En étudiant le parcours de son aïeule, Saïdeh Pakravan montre comment l’histoire familiale conditionne le passage à l’écriture et la naissance d’un auteur de fiction.
Une écrivaine franco-américaine à l’inspiration bilingue
Installée en France en 1968 puis aux États-Unis en 1988, l’écrivaine vit aujourd’hui entre les deux pays. Elle parle couramment le français et l’anglais. C’est d’ailleurs dans ces deux langues qu’elle écrit, sans jamais savoir laquelle elle va utiliser quand elle se lance dans un projet. « Lorsqu’une idée me vient, je ne sais jamais si cela va être en anglais ou en français. Je commence à écrire et la langue s’impose. Ce n’est pas moi qui la choisis. »
Saïdeh Pakravan ne cessera jamais d’écrire d’une langue à l’autre. Mais la publication d’ « Azadi » a marqué un tournant dans sa vie d’auteure à cheval entre deux pays. C’est désormais chez son éditeur français qu’elle se sent à sa place : « Ce sont les éditions Belfond qui m’ont donné ma chance. Aujourd’hui, une nouvelle vie commence pour moi », confie l’écrivaine, un beau sourire dans la voix.